Benjamin Grosvenor piano
JOHANNES BRAHMS 1833–1897
Intermezzi op. 117
FRANZ LISZT 1811–1886
Sonate en si mineur S 178
ALBERTO GINASTERA 1916–1983
Danzas argentinas op. 2
Danza del viejo boyero
Danza de la moza donosa
Danza del gaucho matrero
FRANZ LISZT 1811–1886
Sonnets de Pétrarque n°104 et n°123, extraits des Années de pèlerinage (2ème année Italie)
MAURICE RAVEL 1875–1937
Gaspard de la nuit
Ondine
Le Gibet
Scarbo
Benjamin Grosvenor piano
Le piano prodige
Le pianiste anglais – 29 ans depuis le 8 juillet – aurait pu n’être qu’une de ces étoiles filantes comme il en surgit régulièrement dans le monde de la musique classique : pre-miers concerts à 10 ans, BBC Young musician of the year à 11 ans, à 19 ans le plus jeune soliste jamais invité à ouvrir les célèbres Prom’s de Londres. Un premier disque chez Decca qui fait aussitôt l’unanimité de la critique. Et depuis dix ans une personnalité fascinante qui s’est durablement installée sur les cîmes. Benjamin Grosvenor construit ses récitals comme ses disques, combinant chefs‑d’oeuvre reconnus et raretés, et soudain la musique paraît, comme évidente, naturelle, souverainement maîtrisée. Son dernier disque tout entier consacré à Liszt, couvert de récompenses, le pianiste le décrivait ainsi sur France Musique : « Je n’ai jamais cessé d’être fasciné par la musique de Liszt »
Le jeune pianiste anglais propose un récital à son image : éclectique, poétique et pyrotechnique. La confidence intériorisée des Intermezzi de Brahms et des Sonnets de Pétrarque de Liszt y côtoie la fièvre rythmique de Ginastera et les visions fantas-magoriques du Gaspard de la nuit de Ravel. Dans le sillage de son dernier disque consacré à Liszt, Benjamin Grosvenor interprète aussi la Sonate en si mineur, qui alterne rêve-rie intériorisée, éclats grandioses et soubresauts sarcastiques.
Johannes Brahms : Intermezzi opus 117
Si Brahms choisit le terme générique d’« intermezzo » pour son opus 117 (vocable qu’il associe généralement à des pièces chantantes et assez lentes), il n’en exprime pas moins des sentiments intimes, et notamment sa mélancolie avivée par la disparition de plusieurs êtres chers. « Wiegenlieder meiner Schmerzen » (« Berceuses de mes douleurs ») : ainsi nomme-t-il ce recueil de 1892.
Franz Liszt : Sonate en si mineur
Ce dévoilement de l’intériorité se perçoit également chez Liszt, qui avoue sans détours en 1838 : « Mon piano, c’est pour moi ce qu’est au marin sa frégate, ce qu’est à l’Arabe son coursier, plus encore peut-être, car mon piano, jusqu’ici, c’est moi, c’est ma parole, c’est ma vie. » La Sonate en si mineur (1852–53) date de la période de Weimar, quand Liszt occupe la fonction de Kapellmeister à la cour du grand-duc de Saxe. Hors norme, elle l’est par plusieurs aspects, en premier lieu par son absence de titre « poétique » et de paratexte, ce qui étonne de la part d’un com-positeur habituellement prolixe en commentaires. Comme pour compenser ce silence, on l’a souvent associée au personnage de Faust et à son double diabolique Mephistopheles, bien que rien n’atteste cette source d’inspiration. Il faut plutôt la considérer comme un « récit musical autonome », selon les termes de Benjamin Grosvenor.
La partition se distingue en outre par sa forme en une seule coulée, dans laquelle persistent des traces de la traditionnelle sonate en quatre mouvements, qui s’enchaînent ici : un allegro précédé d’une introduction lente, un Andante sostenuto faisant office de mouvement lent, puis un scherzo fugué et un final fougueux se terminant toute-fois dans l’esprit de l’introduction. Au fil de cette « pièce cyclothymique » (Benjamin Grosvenor), les thèmes subissent de fascinantes métamorphoses et dérobent sans cesse leur identité.
Alberto Ginastera : Danzas argentinas op. 2
Les Trois Danses argentines (1937) appartiennent à la première période de la carrière de Ginastera, marquée par l’influence de Bartók et de Stravinsky. Sur les traces de ces illustres aînés, le jeune compositeur argentin se nourrit des traditions populaires de son pays pour inventer un « folklore imaginaire » à l’énergie vivifiante.
Franz Liszt : Sonnets de Pétrarque n°104 et 123
Issus des Années de pèlerinage, ce cycle composé par Liszt dans le souvenir de ses voyages en compagnie de Marie d’Agoult, les Sonnets de Pétrarque, extraits de la « Deuxième année, Italie », sont des versions pianistiques de mélodies pour voix et piano, ce dont témoigne leur ligne mélodique héritée du bel canto.
Maurice Ravel : Gaspard de la nuit
En 1908, Ravel s’inspire de Gaspard de la nuit, un recueil de poèmes en prose d’Aloysius Bertrand (1807–1841) publié à titre posthume en 1842. Si les deux dernières pièces frappent par leur noirceur, même la scintillante Ondine, toute ruisselante d’arpèges, se ternit par moments d’ombres menaçantes. Dans le sinistre Gibet, la répétition lancinante d’une note sonne comme un glas. Scarbo évoque les pirouettes railleuses d’un gnome, la virtuosité proprement démoniaque de l’écriture pianistique traduisant le caractère effrayant et surnaturel de cette vision nocturne.
Hélène Cao
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