Pléïades
Iannis Xenakis
21h30 présentation par les musiciens
& concert
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IANNIS XENAKIS 1922–2001
Pléïades pour six percussionnistes
I. Mélanges
II. Métaux
III. Claviers
IV. Peaux
Les Percussions de l’Orchestre National de France
Christophe Bredeloup
Emmanuel Curt
Florent Jodelet
Catherine Lenert
Guillaume Le Picard
Gilles Rancitelli
Philippe Dao, Régie Technique
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Concert dédié à la mémoire de Elisabeth Fouquet, cadre de production à Radio France
« L’élément fondamental de l’œuvre est le rythme, dont la source est la notion de périodicité, de duplication, de récurrence, de reproduction, de conformité, de pseudo-conformité, de non-conformité. Dans Pléiades, cette idée de duplication (récurrence) d’un événement ou d’un état dans lequel notre univers physique est submergé se poursuit dans une « dimension » musicale, la dimension tonale. C’est pourquoi je me suis lancé dans ce double effort : le premier étant de construire une gamme non occidentale pouvant être jouée sur des instruments à clavier diatoniques ; le second étant de créer un nouvel instrument métallique, le sixxen. »
Iannis Xenakis
La percussion dans son évidence première
Rencontre avec Florent Jodelet, percussionniste de l’Orchestre National de France
« Pléïades est une œuvre immédiatement accessible parce qu’émotionnellement très puissante. C’est la force de la musique dans une forme de vérité essentielle. Avec la puissance du rythme, de la percussion dans son évidence première, c’est une musique qui embarque l’auditeur : voir six musiciens jouer à l’unisson avec un tel engagement, c’est l’incitation à une nouvelle aventure. La force de l’écriture de Xenakis ici, c’est notamment le jeu avec les unissons : beaucoup de chemins sont absolument parallèles entre les musiciens, avec les mêmes sillons, puis ceux-ci divergent, créent des terrains brouillés et chaotiques où l’on se perd, pour se rejoindre à nouveau… C’est très fédérateur, rassurant, réjouissant !
L’enracinement dans un geste premier et dans la production du son est quelque chose de très fort chez Xenakis. C’est un héritier de première ligne de Varèse. Avec Pléïades, l’engagement de l’interprète est une dimension fondamentale, on est là au cœur du sujet ! La pièce a été beaucoup jouée en France depuis sa création en 1979 par les Percussions de Strasbourg. Il y a eu également les versions du groupe Les Pléïades, formé d’étudiantes de Sylvio Gualda, grand partenaire de Xenakis. Pour moi, c’est une première et comme je rêve depuis très longtemps de jouer cette pièce, j’étais fou de joie lorsque le projet de la jouer à Montpellier s’est présenté!
Jouer Pléïades, c’est relever un défi ?
Oui, un défi d’endurance physique, un défi de nuances car les dynamiques sont extrêmes et un défi d’allure et de cadence car les rythmes sont souvent très rapides. À cela s’ajoute la concentration exigée de l’interprète, du fait de la complexité de l’écriture et de la durée de la pièce. C’est une musique qui peut paraître simple et primaire parce que les rythmes sont très métriques et affirmés, a fortiori dans les unissons. Mais tout l’enjeu, c’est la « sortie » des unissons, quand les « atomes de rythme » (comme les appelle Xenakis) commencent à se déformer : là, cela exige une maîtrise sans failles. Il y a aussi de brefs solos et échanges deux à deux qu’il faut savoir mettre en valeur.
Le Sixxen, c’est quoi ?
Le mot est formé de « six » et de « xen » comme Xenakis. L’idée de Xenakis était d’inventer un instrument à clavier doté d’une échelle de 19 sons, comprenant des intervalles de tiers ou de quarts de tons. Il n’a finalement pas fixé les hauteurs avec précision et plusieurs versions de l’instrument sont possibles. Chacun des six sixxens comprend cette échelle de 19 sons, mais ils ne sont pas identiques : il y un léger décalage de hauteur entre eux. Ce sont les sixxens du groupe de Sylvio Gualda que nous allons jouer au Festival – les seuls, avec ceux des Percussions de Strasbourg, qui aient été validés par Xenakis.
Pour la partie « Métaux », jouée par les 6 Sixxens, Xenakis a parlé de son souvenir des cloches des églises byzantines…
Je suis captivé depuis toujours par l’univers campanaire et il y a en effet dans ce mouvement de Pléïades comme un carillon géant, avec ces micro-décalages tellement fascinants quand on est au pied d’un clocher…
L’œuvre suggère l’espace acoustique, et justement vous la jouerez en plein air ?
C’est une œuvre de plein air, c’est certain ; mais quand on joue les sixxens pour la partie « Métaux », même dans un espace fermé, on a l’impression d’une voûte au-dessus de nous. C’est une musique qui semble dépasser ses propres limites et suggère la présence d’une autre dimension sonore, au-dessus du plateau. C’est quelque chose qui m’intrigue, me séduit et me fascine. Phénomène peut-être lié, comme dans la musique de Steve Reich, à la répétition et au fait que l’on reste dans un même champ harmonique.
Vous avez suivi, étudiant, les cours d’acoustique de Xenakis ?
Oui, un souvenir très important : il enseignait l’acoustique sur le plan scientifique, non en tant que musicien, mais l’on sentait très bien la puissance du créateur, du penseur et du poète qu’il était… Cela n’a duré qu’un semestre, mais c’était une expérience très forte. J’ai eu l’occasion de dialoguer ensuite avec lui, lorsque je lui ai envoyé ma version de Psappha ou de Rebonds (deux œuvres qu’il a écrites pour percussion solo)
Il y a toujours chez Xenakis la belle attirance pour le monde antique grec. Qu’est-ce qui relève de l’archaïque, pour vous, dans cette musique ?
C’est que l’émotion sonore est très directe. C’est une musique très prenante, d’emblée. Dans le monde antique, j’imagine ce rapport au cosmos, aux divinités, à la nature qui dirige les émotions. Et si l’on pense à la Grèce comme berceau de la démocratie, on peut entendre ici la cohésion des musiciens comme une représentation d’une collectivité qui s’accorde, se divise et s’oppose, voire s’affronte, avec des prises de paroles individuelles ou des joutes oratoires, mais qui sait aussi parler d’une seule et même voix. On peut certainement avoir une oreille politique en écoutant Pléïades.
Même si son titre évoque les étoiles, il y a du tellurique, du terrien dans cette pièce…
Oui l’œuvre s’inscrit idéalement dans la thématique « De la terre aux étoiles ». Nous sommes liés à la terre mais nous aspirons aux étoiles, au sublime…
(Propos recueillis par Hélène Pierrakos)
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